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UNE «MORT PROGRAMMEE» DES UNIVERSITES PUBLIQUES

La décision du gouvernement d’orienter tous les nouveaux bacheliers dans les universités publiques déjà submergées par des effectifs pléthoriques, risque de créer une situation chaotique. Nonobstant, l’absence d’infrastructures suffisantes, de déficits d’enseignants et des retards notés dans les chantiers universitaires, l’Etat a décidé d’envoyer 3 mille nouveaux bacheliers à Thiès et à Ziguinchor (Uasz), alors que ces universités en voulaient respectivement 1200 et 1 715, 5mille à Saint-Louis, 24 mille à Dakar, 3 mille à Bambey, 10 mille à l’université virtuelle du Sénégal et enfin 2 mille à l’université de Sine Saloum de Kaolack.
L’orientation des nouveaux bacheliers 2019 constitue une réelle patate chaude pour le ministère de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation (Mesri). En effet, le gouvernement qui a décidé de mettre un terme au partenariat qui le liait avec les privés, a envoyé par la même occasion tous les nouveaux bacheliers dans le public.
Après la clôture de la plateforme, ils sont, selon le Pr Abdoul Sow, directeur général de l’Enseignement supérieur (Dges), près de 54milles nouveaux bacheliers à formuler une demande d’orientation via la plateforme.

Ce qui risque de se révéler être un coup de massue pour l’enseignement supérieur à la considération des capacités d’accueil des universités publiques. Certains vont plus loin en parlant même d’une mort programmée de l’éducation supérieure.
Alors que les universités publiques croulent sous le poids des effectifs pléthoriques, les Recteurs ont donné un quitus «mortifère» au gouvernement pour accueillir tous les nouveaux bacheliers.

«Les 52 mille bacheliers seront orientés intégralement dans le public, selon le quota que nous allons sortir au moment des orientations», a indiqué Dr Cheikh Oumar Anne.  Avant d’être conforté par son directeur général de l’Enseignement supérieur (DGES), Pr Abdoul Sow, en ces termes : «les universités recevront en fonction de leurs capacités d’accueil».

Ce qui n’est pas loin d’un discours bien politique pour fuir des questions de fond. Les capacités d’accueil des universités ont-elles augmenté pour accompagner cette massification des effectifs d’étudiants jugés déjà pléthoriques ? Ont-elles de nouveaux amphithéâtres, de nouveaux pavillons, restaurants ? Ont-elles suffisamment de personnel administratif, technique et de service ? Et enfin, ont-elles le personnel enseignant requis pour assurer les enseignements apprentissages ?

Pour un début de réponses, le Pr Abdoul Sow, Dges, annonce la réouverture de la plateforme campusen pour les nouveaux bacheliers désireux de «suivre des filières courtes et professionalisantes». Il s’agira de les accueillir dans cinq (5) instituts supérieurs d’enseignement professionnel (Isep). «Ce qui permettra d’offrir à ses jeunes une formation aux métiers liés à la riziculture, à la mécanisation ou au secteur agricole», fait-il savoir.

Dans sa stratégie de réussir son projet d’orientation des nouveaux bacheliers dans le public, le gouvernement s’est engagé à mettre en œuvre, sans donner d’échéancier clair sur ces actions, à terminer l’ensemble des infrastructures relatives aux programmes d’extension des universités, de terminer la construction et l’équipement des cent (100) laboratoires scientifiques, de terminer la construction et l’équipement de sept (7) Espaces numériques ouverts (ENO).
Le ministère compte construire et équiper deux cent (200) nouveaux bureaux d’Enseignant, réceptionner et équiper les résidences universitaires, en cours de construction à l’UCAD et à l’UGB et enfin de finaliser et équiper les amphithéâtres en cours de construction à l’UGB et à l’UASZ.

Des mesures salutaires pour l’enseignement public, mais en relations avec les retards notoires des chantiers de l’Université Amadou Makhtar Mbow de Diamniadio (Uam) et l’université El Hadji Ibrahima Niasse du Sine-Saloum (Ussein) qui peinent à sortir de terre, tout comme l’amphithéâtre de l’université Assane Seck de Ziguinchor (Uasz) et autres chantiers d’extension, l’on se demanderait si les engagements seront matérialisés. Une hypothèse qui semble tenir la route, si l’on sait, selon certaines informations, le manque de liquidité de l’Etat du Sénégal a motivé la décision d’orienter les nouveaux bacheliers dans le public.

Alors, comment les autorités universitaires géreront ce flux important de nouveaux bacheliers dès la rentrée universitaire, s’interrogent pratiquement tous les acteurs. En attendant la disponibilité des listes d’orientation, les universités publiques, du moins certaines, vont recevoir le double de l’effectif qu’elles en avaient décidé dans les facultés d’universités, nous confie une source bien informée.

Par exemple, l’Etat a décidé d’envoyer 3000 nouveaux bacheliers à Thiès, alors que celle-ci en voulait 1200. C’est le cas aussi de l’université Assane Seck de Ziguinchor (Uasz) qui va se débrouiller, en lieu et place des 1 715 demandés, avec les 3 000 nouveaux bacheliers que le ministère compte y envoyer.

L’université Gaston Berger de Saint-Louis recevra le double du nombre retenu par les unités de formation et de recherche (Ufr), notamment 5000 nouveaux bacheliers. L’université Cheikh Anta Diop de Dakar et Alioune Diop de Bambey recevront respectivement 24 milles et 3 milles nouveaux bacheliers. L’université virtuelle du Sénégal accueillera 10 milles nouveaux bacheliers et enfin 2 milles à l’université de Sine Saloum de Kaolack.

UN FORCING RAMPANT ?

Si les facultés ou UFR venaient à valider les propositions du gouvernement sur quotas ainsi répartis, ce ne serait certainement pas un coup de forcing. Bien au contraire, les capacités d’accueil des universités sont déterminées d’un «commun accord» entre le ministère de tutelle et les instances pédagogiques, selon l’article 3 de la Loi n°2015-26 relative aux universités publiques.

Pour l’actuel ministre, il n’y a pas de soucis à se faire, car, dit-il, il y a «un large consensus. Nous avons fait des projections avec les responsables des universités et les chefs d’établissement». «Les universités recevront en fonction de leurs capacités d’accueil. Ce sont les instances universitaires du fait de leur autonomie, qui vont se réunir pour recevoir le quota que l’on leur a affecté et les répartisse dans les départements», renchérit Pr Abdoul Sow.

On se rappelle de l’orientation des 3000 étudiants à l’université Gaston Berger de Saint-Louis, soit une augmentation de 39% de l’effectif en une année sans aucune mesure d’accompagnement, alors que les structures académiques, tenant compte du flux d’étudiants sortants et des capacités d’accueil et d’encadrement des Ufr, avait retenu un nombre total de 1853 bacheliers.

Par conséquent, l’université de Sanar croule sous le poids des effectifs. «La massification incontrôlée des effectifs, l’insuffisance des infrastructures pédagogiques, le déficit d’enseignants font que la situation est insupportable», avait alerté la section SAES. Cette massification incontrôlée des effectifs, conduit souvent à créer des foyers de tension, entrainant la mort de Fallou Sène et l’exclusion de quatre (4) étudiants pour diverses raisons.

En plus des capacités d’accueil à élargir, l’enseignement supérieur public est confronté à un déficit criard d’enseignants. Rien qu’en 2015, la section Enseignement supérieur et de la Recherche du syndicat unitaire et démocratique des enseignants du Sénégal signalait un déficit de 5906 enseignants-chercheurs à combler pour être collé au rythme d’accroissement de la population estudiantine. Dans cette étude intitulée «déficits d’infrastructures et en personnels enseignants et efficacité du système d’enseignement supérieur au Sénégal», le Sudes réclame depuis quelques années un recrutement massif de 500 enseignants chercheurs par an, pendant 5 ans. Tout comme le syndicat autonome de l’Enseignement supérieur (Saes) qui exige récemment l’ouverture immédiate de 400 postes d’enseignants-chercheurs et le recrutement conséquent d’enseignants chercheurs pour arriver au moins à 70% de permanents à l’horizon 2021-2022, le ministère fait savoir son intention d’ouvrir deux cent nouveaux (200) postes d’Enseignants.

Des budgets à problèmes

En plus des déficits d’infrastructures et en personnels enseignants, les universités publiques font face à d’énormes difficultés financières. Les budgets mis à leur disposition, ne couvrent pas l’essentiel des dépenses pédagogiques, de recherche et de personnel prévues sur l’année.  «Ce sont des budgets déséquilibrés et irréalistes», s’insurgent les syndicats. L’exemple de l’Ugb est encore fraiche dans les esprits où l’enveloppe retenue pour leur institution ne couvre que 7 mois de salaires, contrairement à l’engagement pris par le gouvernement devant l’Assemblée nationale de «sécuriser les salaires des personnels des universités sur (douze) 12 mois». Conséquence : le personnel souffrait de retard dans le paiement des salaires et de retenues sur salaires non versées et la dette de l’Ugb à l’égard des structures sanitaires.
Les universités réclament l’augmentation conséquente dès 2020 de la dotation de l’Etat aux universités publiques pour atteindre l’objectif «budgets de vérité».

Qu’à cela ne tienne pour le gouvernement. Le Pr Abdoul Sow, directeur général de l’Enseignement supérieur (DGES) soutient : «ce sont les instances universitaires du fait de leur autonomie, qui vont se réunir pour recevoir le quota que l’on leur a affecté et les répartisse dans les départements».

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