Parole d’expert. Le sport sur ordonnance, comment ça marche ?

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« Dans le cadre du parcours de soins des patients atteints d’une affection de longue durée, le médecin traitant peut prescrire une activité physique adaptée à la pathologie ».

Depuis le mois de mars, les médecins peuvent prescrire la pratique du sport à des patients souffrant de maladies chroniques. Dans les faits, comment cela se traduit ?

Près de 10 millions de Français souffrent de diabète, de maladie d’Alzheimer ou de Parkinson, d’un cancer, ou d’une autre forme d’affection de longue durée. Pour eux, le décret paru au Journal officiel, en mars dernier, est à la fois le signe d’un changement significatif comme d’une avancée considérable. Il stipule que désormais, « dans le cadre du parcours de soins des patients atteints d’une affection de longue durée, le médecin traitant peut prescrire une activité physique adaptée à la pathologie, aux capacités physiques et au risque médical du patient ». Le sport sur ordonnance, en somme.

Le patient pourra être dirigé vers un éducateur sportif, un coach, qui le prendra en charge et l’aidera. Ensuite, « avec l’accord des patients, l’intervenant transmet périodiquement un compte rendu sur le déroulement de l’activité physique adaptée au médecin prescripteur et peut formuler des propositions quant à la poursuite de l’activité et aux risques inhérents à celle-ci. Les patients sont destinataires de ce compte rendu. »

La prescription change tout

Concrètement, un patient peut désormais, sur la base d’un examen réalisé par le médecin traitant, se voir prescrire des séances de sport. Dans la pratique, les généralistes recommandaient déjà de faire du sport. Mais là, l’ordonnance change tout, selon les professionnels de santé.

« Avant, c’était de bons conseils que l’on donnait, mais les patients les écoutaient sans trop y prêter attention, confie le Dr Pierre Trylesky, médecin généraliste à Strasbourg. Là, ils en prennent acte. Et à partir du moment où il y a le mot prescription, tout est différent. Le médecin s’engage, le propose comme un traitement, et le patient réagit différemment. »

Dans le traitement de nombreuses maladies, l’efficacité du sport est prouvée : « Dans beaucoup de cas d’hypertension artérielle, pour certains cancers, pour des personnes diabétiques, l’activité physique peut améliorer significativement les choses. En plus, les patients consomment moins de psychotropes, c’est une avancée réelle », relève le Dr Teddy Bourdet, installé en Vendée et président du syndicat MG85, premier syndicat de médecins généralistes de France.

Le problème du non-remboursement

Problème, toutefois : si les médecins se félicitent de ce progrès, ils constatent que ces activités physiques prescrites ne sont pas (dans la plupart des zones de France) remboursées par l’assurance-maladie. Sérieux hic, donc.

« L’idée est très bonne, bien sûr, mais comme il n’y a pas de remboursement, l’effet est très limité, estime ainsi le Dr Bourdet. D’autant qu’aujourd’hui, il n’y a pas, à disposition des médecins généralistes, de listes de professionnels du sport des environs (des éducateurs sportifs, etc.). Donc convenez que ce sont deux complications d’entrée. »

L’enthousiasme du Dr Bourdet reste donc mesuré : « On recommandait déjà de faire du sport à nos patients. C’est de l’éducation en santé, le fameux « mangez-bougez », et ce n’est pas franchement nouveau. La nouveauté, c’était la prescription possible. Mais comme cela n’est pas remboursé, on ne voit pas le réel changement. Je souhaite que nous allions jusqu’au bout, donc remboursons. »

« Ici, c’est gratuit »

Dans certaines zones, des dispositifs ont néanmoins été mis en place entre les collectivités, les Agences régionales de santé et l’assurance-maladie. Le bénéfice ? L’activité physique est en partie remboursée. C’est le cas à Strasbourg, ville qui a mis en place le sport sur ordonnance dès 2012.

Là-bas, les résultats sont significatifs. « Ici, c’est gratuit pendant un an, et le sport est taillé à votre mesure, à vos besoins. Tout est calibré en fonction de la maladie, l’activité physique sera adaptée à vos soucis de santé », souligne le Dr Pierre Trylesky, qui forme tous ses internes à privilégier une prescription de sport (dans la mesure du possible) plutôt que le « tout-médicament ».

Lui pense que « c’est une révolution », il est convaincu par la mesure. « C’est l’arrêt des traitements exclusifs avec des médicaments. Il y a toujours plusieurs entrées pour appréhender un traitement, et « bougez », clairement, ça marche ! »

« Bien sûr que ça peut avoir une incidence sur les impôts locaux par exemple, reconnaît-il, mais le jeu en vaut la chandelle ! » Le Dr Trylesky estime que face à certaines maladies, « il n’y a pas de fatalité, si vous bougez bien, la pratique sportive peut tout changer. Et puis, si par malheur, ça ne marche pas, alors il existera toujours la solution médicamenteuse…. »

Sur le terrain, il raconte qu’au début, les patients n’y croyaient pas trop : « Mais après, ils m’ont dit avoir constaté une évolution, en mieux, dans leur bien-être général, ils voient une amélioration… Dans le quartier assez populaire où j’exerce, des gens se sont remis à bouger et ça leur a fait un bien fou ! »

Cette mesure, en plus d’avoir un effet positif sur la santé des patients, a un intérêt économique pour les comptes de la Sécurité sociale. Selon un rapport du Conseil national des activités physiques et sportives, la pratique d’une activité physique permettrait de réduire 50 % des coûts des soins pour une personne diabétique. Les économies, ainsi, seraient nombreuses.

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